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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 4, 1748.djvu/226

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Vous le voyez, Madame,
Je viens mettre à vos pieds mon espoir et ma flamme.
Si l’une a su borner mon espoir le plus doux,
Je ne puis consentir à l’autre malgré vous,
Et du plus heureux sort je fuirois l’assurance
S’il coûtoit à vos vœux la moindre violence.
Ainsi quoi qu’Annibal m’ait permis d’espérer…

Élise

Vous l’avez déjà vu, faites-le déclarer,
Seigneur, ses ordres seuls règlent ma destinée,
Et sur les intérêts de ce grand hyménée,
Pourvu que ses désirs vers vous puissent pencher,
Ma joie ou mon chagrin vous doivent peu toucher.
Voyez bien seulement, avant que d’y prétendre,
Si vous vous connoissez digne d’être son Gendre.
Il n’est rien de plus fier que le sang d’Annibal.
S’il monte sur le Trône il obéira mal,
Et vos Maîtres du Monde à qui les Rois défèrent,
S’ils pensent l’asservir, n’ont pas ce qu’ils espèrent.
Là suivant de mon sort l’orgueilleux ascendant,
Ils me verront porter un cœur indépendant,
Un cœur résolu, ferme, et capable peut-être
De haïr un Époux s’il enduroit un Maître.
Ne vous exposez point à l’affront de me voir
Maintenir malgré vous le suprême pouvoir,
Et si vous vous sentez et l’âme et le courage
Par de basses frayeur tournés à l’esclavage,