Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 4, 1748.djvu/239

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Flattez Élise ensuite, armez pour son offense,
Et recevez sa main pour prix de sa vengeance.

Prusias

Maîtres de tant de Rois, soumis, obéissants,
Craignez-vous d’un Vieillard les destins impuissants ?

Flaminius

Quoi, nous vous laisserons au pouvoir d’une Femme,
Dont la haine à son gré saura tourner votre âme ?

Prusias

Si cet hymen vous porte à soupçonner ma foi,
N’aurez-vous pas mon Fils qui répondra de moi ?
Vous en puis-je donner de gage plus sincère ?

Flaminius

Non, si c’étoit un Fils que vous vissiez en Père ;
Mais ce Fils aime Élise, et vos transports jaloux
Le livrent aux Romains moins pour eux que pour vous.
J’ai les yeux bien ouverts, et sans vous en rien dire,
Je vois depuis longtemps à quoi votre âme aspire.
Ainsi dans votre Cour gardez votre Rival,
Nous vous rendons le Prince, il nous faut Annibal.
Ce n’est qu’à ce prix seul que l’on obtient Élise.

Prusias

Me souiller par l’horreur d’une telle entreprise ?

Flaminius

Ces scrupules sont beaux, mais craignez que pour nous
Attale plus zélé n’en n’ait pas tant que vous.
Il aime, et vos refus obligeront sa flamme.

Prusias

Attale, quoi qu’il aime, a trop de fierté d’âme,
Et bien loin que pour lui le crime ait quelque appas…

Flaminius

Son esprit m’est connu, ne vous y fiez pas,
Je ne vous ai que trop observé l’un et l’autre.
Son pouvoir en ce lieu se trouve égal au vôtre,
Pareil nombre l’escorte, et pour ce grand dessein,
Je voulois votre bras, j’emprunterai sa main.
Rome après entre vous fera la différence.