Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 4, 1748.djvu/238

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Flaminius

Après tant de vertu Rome seroit ingrate
Si vos feux n’obtenoient l’heureux prix qui les flatte.
Elle vous l’abandonne, et quand sans balancer
Elle fait plus pour vous que vous n’osiez penser,
Elle a quelque sujet d’espérer qu’un beau zèle
Vous fera faire aussi quelque chose pour elle.

Prusias

Lui devant tout, Seigneur, qu’aurois-je à refuser ?

Flaminius

Ainsi de votre main vous pouvez disposer.
Rome approuve l’ardeur dont votre âme est éprise ;
Livrez-nous Annibal, elle vous donne Élise.

Prusias

Vous livrer Annibal ! Ah, Seigneur, voulez-vous
Me mettre en bute aux Dieux, m’attirer leur courroux ?
Cent serments d’une foi sacrée, inviolable,
De tant de trahison me laissent-ils capable ?
Souffrent-ils que mon cœur ébloui de ses feux
Ose…

Flaminius

Et quoi, Prusias, vous êtes scrupuleux ?
Apprenez, apprenez, pour solides maximes,
Que qui sert le Sénat ne peut faire de crimes,
Et que de mille horreurs un forfait revêtu,
Quand il est fait pour lui, doit passer pour vertu ;
Que partout cette gloire est la seule qu’on prise.

Prusias

Et par où cependant gagner le cœur d’Élise ?
Mettre en votre pouvoir ce qu’elle a de plus cher,
Sera-ce le moyen, Seigneur, de la toucher ?
Obtiendrai-je par là que son amour s’explique ?

Flaminius

C’est ne voir guère loin pour un grand Politique.
Sans livrer Annibal laissez-nous l’enlever.
Envoyez après nous comme pour le sauver,