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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 4, 1748.djvu/250

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Ou si l’avis est faux, vous voulez que ma foi
Cède à ses vœux un cœur qui sembloit être à moi ?

Élise

Si l’avis n’est pas vrai, je veux que votre flamme
Prenne pour seul objet la fierté de mon âme.
Je vous aime, et l’aveu peut-être m’en sied mal,
Mais enfin je vous aime en Fille d’Annibal,
Sans ce foible honteux qui, quand on l’ose croire,
Couronne la tendresse aux dépends de la gloire.
Montrez-vous en pouvoir de braver le Sénat.
De votre hymen à tout je préfère l’éclat,
Et je m’applaudirai de voir qu’ainsi sans peine
Mon cœur puisse accorder mon amour et ma haine.
Mais ne prétendez pas qu’un sentiment si doux
Me dérobe à mon sort pour me garder à vous.
Il est de haïr Rome, et si je puis contre elle
Obtenir qu’à ma haine Attale soit fidèle,
Malgré ce qu’en mon cœur vos feux trouvent d’appui,
Je ferai vanité de me donner à lui.
Voilà de mon orgueil quelles sont les maximes.

Nicomède

Ces sentiments sont grands, illustres magnanimes ;
Mais quoi que l’on promette à leur noble fierté,
Quel cœur de votre haine aura la fermeté ?
Qui vous assurera qu’Attale soit sincère ?

Élise

N’en soyez point en peine, il entretient mon Père,
Et s’il obtient de lui ce que vous méritez,
Ma main en se donnant prendra ses sûretés.

Nicomède

En est-il dont la suite offre à votre disgrâce…

Élise

Ayez soin seulement de voir ce qui se passe,
Et croyez que l’effort où s’apprête ma foi,
Quoi qu’il ait de fâcheux, sera digne de moi.

Nicomède

Et bien, Madame, il faut dans ce péril extrême
Oser tout, faire tout pour vous contre moi-même.