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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 4, 1748.djvu/253

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Il ne sauroit souffrir que mon amour obtienne
Que vous quittiez sa Cour pour venir dans la mienne,
Seigneur, et je crains bien que son chagrin jaloux,
Feignant tout contre moi, n’ose tout contre vous.
Non qu’on m’en ait rien dit, mais d’un crime semblable
Voyez qui de nous deux seroit le plus capable.
Tandis qu’au vain orgueil de ses chers Favoris
Sa lâche Politique ose immoler son Fils,
Malgré Flaminius pour vous je me déclare.
J’attends sans m’ébranler les foudres qu’il prépare,
Et fais que Rome enfin, toute fière qu’elle est,
Se soumet à me flamme, et veut ce qui me plaît.

Annibal

Oui, Seigneur, c’est en vain qu’on voudroit me surprendre.
Je fais un digne choix en vous prenant pour Gendre,
Et ces grands sentiments vous mettent au-dessus
Des odieux soupçons que ma Fille a conçus.
Même de Prusias je crains peu la surprise,
Il peut vouloir me perdre, en former l’entreprise,
Dans ce lâche projet se montrer affermi,
Mais le Ciel me réserve un plus noble Ennemi.
Il ne m’a pas sauvé des Tyrans que je brave
Pour me laisser périr aux mains de leur Esclave,
Et souffrir qu’un Parjure, au mépris de sa foi,
M’ose faire un destin si peu digne de moi.
Il sait ce qu’il me doit, et s’il avoit pu croire
Que Rome eût mérité l’éclat de tant de gloire,
Il eût su de ma perte honorer les grands noms,
Prendre les Fabius, choisir les Scipions.
Moi seul je puis prétendre à cet honneur suprême
Et pour perdre Annibal il faut Annibal même.

Attale

Ah, Seigneur, qui pourroit avoir le cœur si bas…
ÉLISE à Attale.
Je veux bien n’accuser ni vous ni Prusias,