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Scène V


Le Chevalier, Olimpe, Lucrèce

Le Chevalier

Madame, j’ai douté si ce seroit vous plaire
Que venir prendre part au bonheur de mon frère.
Je suis né malheureux, et vois malgré mes soins
Que souvent j’importune où je l’ai cru le moins.
Mais l’honneur que sur moi fait rejaillir sa flamme,
Avecque trop de force a pénétré mon âme,
Pour ne m’avoir pas à la fin surmonter
Le scrupuleux respect qui vouloit m’arrêter.
Si d’un pareil devoir l’empressement vous gêne,
Au moins daignez songer qu’un beau zèle m’amène,
Et qu’il ne me falloit qu’avoir le sort plus doux,
Pour en rendre l’ardeur moins indigne de vous.

Olimpe

Je dois trop aux bontés du Marquis votre frère
Pour ne pas estimer ce qu’il vous plaît de faire,
Et vous m’avez fait tort quand vous avez douté
Si vous hasarderiez cette civilité.
Non que je la mérite, et que je dusse attendre
Que vous pussiez sitôt songer à me la rendre ;
Mais j’ai quelque lumière, et sans rien exiger,
Je sais ce que je dois à qui veut m’obliger.

Le Chevalier

Ah, vous ne devez rien, et quoi qu’on puisse faire,
On en est trop payé par l’honneur de vous plaire.
Mais hélas ! Quels devoirs si pressants, si soumis
Pourroient jamais laisser ce doux espoir permis ?
Vous plaire est une gloire au-dessus de toute autre.
Tout mérite s’efface à voir briller le vôtre,