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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 4, 1748.djvu/502

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Malheur si l’esprit fort s’y trouvoit oublié.
Voilà ce que vous sert d’avoir étudié,
Temps perdu. Quant à moi, personne ne peut dire
Que l’on m’ait rien appris, je sais à peine lire,
Et j’ai de l’ignorance à fond ; mais franchement,
Avec mon petit sens, mon petit jugement,
Je vois, je comprends mieux ce que je dois comprendre,
Que vos livres jamais ne pourroient me l’apprendre,
Ce monde où je me trouve, et ce soleil qui luit,
Sont-ce des champignons venus en une nuit ?
Se sont-ils faits tout seuls ? Cette masse de pierre,
Qui s’élève en rocher, ces arbres, cette terre,
Ce Ciel planté là-haut, est-ce que tout cela
S’est bâti de soi-même ? Et vous, seriez-vous là,
Sans votre père, à qui le sien fut nécessaire,
Pour devenir le vôtre ? Ainsi de père en père,
Allant jusqu’au premier, qui veut-on qui l’ait fait,
Ce premier ? Et dans l’Homme, ouvrage si parfoit,
Tous ces os agencés l’un dans l’autre, cette âme,
Ces veines, ce poumon, ce cœur, ce foie… Oh, Dame,
Parlez à votre tour comme les autres font.
Je ne puis disputer si l’on ne m’interrompt.
Vous vous taisez exprès, et c’est belle malice.

Dom Juan

Ton raisonnement charme, et j’attends qu’il finisse.

Sganarelle

Mon raisonnement est, Monsieur, quoi qu’il en soit,
Que l’Homme est admirable en tout, et qu’on y voit
Certains ingrédients, que, plus on les contemple,
Moins on peut expliquer, d’où vient que… Par exemple,
N’est-il pas merveilleux que je sois ici, moi,
Et qu’en la tête, là, j’aie un je-ne-sais-quoi,
Qui fait qu’en un moment, sans en savoir la cause,
Je pense, s’il le faut, cent différentes choses,