Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 4, 1748.djvu/524

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Tous deux, à dire vrai, par plus d’une raison,
Nous nous incommodons d’une étrange façon ;
Et si vous êtes las d’ouïr mes remontrances,
Je suis bien las aussi de vos extravagances.
Ah ! Que d’aveuglement, quand raisonnant en fous,
Nous voulons que le Ciel soit moins sage que nous :
Quand sur ce qu’il connoît qui nous est nécessaire,
Nos imprudents désirs ne le laissent pas faire,
Et qu’à force de vœux nous tâchons d’obtenir
Ce qui nous est donné souvent pour nous punir !
La naissance d’un Fils fut ma plus forte envie.
Mes souhaits en faisoient tout le bien de ma vie,
Et ce Fils que j’obtiens est le fléau rigoureux
De ces jours que par lui je croyois rendre heureux.
De quel œil, dites-moi, pensez-vous que je voie
Ces commerces honteux qui seuls font votre joie,
Ce scandaleux amas de viles actions
Qu’entassent chaque jour vos folles passions,
Ce long enchaînement de méchantes affaires,
Où du Prince pour vous les grâces nécessaires
Ont épuisé déjà tout ce qu’auprès de lui
Mes services pouvoient m’avoir acquis d’appui ?
Ah Fils ! Indigne Fils ! Quelle est votre bassesse,
D’avoir de vos Aïeux démenti la noblesse !
D’avoir osé ternir par tant de lâchetés
Le glorieux éclat du sang dont vous sortez,
De ce sang que l’Histoire en mille endroits renomme !
Et qu’avez-vous donc fait pour être Gentilhomme ?
Si ce titre ne peut vous être contesté,
Pensez-vous avoir droit d’en tirer vanité,
Et qu’il ait rien en vous qui puisse être estimable,
Quand vos dérèglements l’y rendent méprisable ?
Non, non, de nos Aïeux on a beau faire cas ;
La naissance n’est rien où la vertu n’est pas.
Aussi ne pouvons-nous avoir part à leur gloire,
Qu’autant que nous faisons honneur à leur mémoire.
L’éclat que leur conduite a répandu sur nous,
Des mêmes sentiments nous doit rendre jaloux ;
C’est un engagement dont rien ne nous dispense,