Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 4, 1748.djvu/598

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THESEE.

Quand je vous les ai faits, j’ai cru ce que j’ai dit.
Je partois glorieux d’être votre conquête ;
Mais enfin dans ces lieux poussé par la tempête,
J’ai trop vu ce qu’à voir me convioit l’Amour,
J’ai trop…

ARIANE.

Naxe te change ? Ah ! Funeste séjour !
Dans Naxe, tu le sais, un Roi, grand, magnanime,
Pour moi dès qu’il me vit, prit une tendre estime,
Il soumit à mes vœux et son Trône, et sa foi ;
Quoi qu’il ait pu m’offrir, ai-je fait comme toi ?
Si tu n’es point touché de ma douleur extrême,
Rends-moi ton cœur, Ingrat, par pitié de toi-même.
Je ne demande point quelle est cette Beauté
Qui semble te contraindre à l’infidélité.
Si tu crois quelque honte à la faire connoître,
Ton secret est à toi ; mais qui qu’elle puisse être,
Pour gagner ton estime, et mérité ta foi,
Peut-être elle n’a pas plus de charmes que moi.
Elle n’a pas du moins cette ardeur toute pure
Qui m’a fait pour te suivre étouffer la Nature ;
Ces beaux feux qui volant d’abord à ton secours,
Pour te sauver la vie, ont exposé mes jours ;
Et si de mon amour ce tendre sacrifice
De ta légèreté ne rompt point l’injustice,
Pour ce nouvel Objet, ne lui devant pas tant,
Par où présumes-tu pouvoir être constant ?
À peine ton hymen aura payé sa flamme,
Qu’un violent remords viendra saisir ton âme.
Tu ne pourras plus voir ton crime sans effroi ;
Et qui sait ce qu’alors tu sentiras pour moi ?
Qui sait par quel retour ton ardeur refroidie
Te feras détester ta lâche perfidie ?
Tu verras de mes feux les transports éclatants,
Tu les regretteras, il ne sera plus temps.
Ne précipite rien ; quelque amour qui t’appelle,
Prends conseil de ta gloire avant qu’être infidèle.