Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 4, 1748.djvu/601

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Qu’accroître de vos maux la triste violence ?

ARIANE.

M’avoir ainsi quittée, et partout me trahir !

NÉRINE.

Vous l’avez commandé.

ARIANE.

Devait-il obéir !

NÉRINE.

Que vouliez-vous qu’il fît ? Vous pressiez sa retraite

ARIANE.

Qu’il sût en s’emportant, ce que l’Amour souhaite,
Et qu’à mon désespoir souffrant un libre cours,
Il s’entendît chasser, et demeurât toujours.
Quoi que sa trahison et m’accable et me tue,
Au moins j’aurois joui du plaisir de sa vue.
Mais il ne sauroit plus souffrir la mienne. Ah Dieux !
As-tu vu quelle joie a paru dans ses yeux ?
Combien il est sorti satisfait da ma haine ?
Que de mépris !

NÉRINE.

Son crime auprès de vous le gêne,
Madame, et n’ayant point d’excuse à vous donner,
S’il vous fuit, j’y vois peu de quoi vous étonner.
Il s’épargne une peine à peu d’autres égale.

ARIANE.

M’en voir trahie ! Il faut découvrir ma Rivale.
Examine avec moi. De toute cette Cour
Qui crois-tu la plus propre à donner de l’amour ?
Est-ce Mégiste, AEglé, qui le rend infidèle ?
De tout ce qu’il y voit Cyane est la plus belle,
Il lui parle souvent ; mais pour m’ôter sa foi,
Doit-elle être à ses yeux plus aimable que moi ?
Vains et foibles appas qui m’aviez trop flattée,
Voilà votre pouvoir, un Lâche m’a quittée ;
Mais si d’un autre amour il se laisse éblouir,
Peut-être il n’aura pas la douceur d’en jouir,