Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 4, 1748.djvu/606

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Vous avez su tantôt par un aveu sincère
Que sans lui votre amour eût eu de quoi me plaire,
Et que mon cœur touché du respect de vos feux,
S’il ne m’eût pas aimée, eût accepter vos voeux.
Puisqu’il me rend à moi, je vous tiendrai parole ;
Mais après ce qu’il faut que ma gloire s’immole,
Écoutant un amour et si tendre, et si doux ;
Je ne vous réponds pas d’en prendre autant pour vous.
Ce sont des traits de feu que le temps seul imprime.
J’ai pour votre vertu la plus parfaite estime ;
Et pour être en état de remplir votre espoir,
Cette estime suffit à qui sait son devoir.

OENARUS.

Ah, pour la mériter, si le plus pur hommage…

ARIANE.

Seigneur, dispensez-moi d’en ouïr davantage.
J’ai tous les sens encor de trouble embarrassés,
Ma main dépend de vous, ce vous doit être assez ;
Mais pour vous la donner, j’avouerai ma foiblesse.
J’ai besoin qu’un Ingrat pour son hymen m’en presse.
Tant que je le verrois en pouvoir d’être à moi,
Je prétendrois en vain disposer de ma foi.
Un feu bien allumé ne s’éteint qu’avec peine.
Le Parjure Thésée a mérité ma haine,
Mon cœur veut être à vous, et ne peut mieux choisir !
Mais s’il me voit, me parle, il peut s’en ressaisir.
L’Amour par le remords aisément se désarme,
Il ne faut quelquefois qu’un soupir, qu’une larme,
Et du plus fier courroux quoi qu’on se soit promis,
On ne tient pas longtemps contre un Amant soumis.
Ce sont vos intérêts. Que sans m’en vouloir croire,
Thésée à ses désirs abandonne sa gloire ;
Dès que d’un autre Objet je le verrai l’époux,
Si vous m’aimez encor, Seigneur, je suis à vous.
Mon cœur de votre hymen se fait un heur suprême,
Et c’est ce que je veux lui déclarer moi-même.