Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 4, 1748.djvu/612

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Si ma perte est un mal dont votre cœur soupire,
Vos remords trouveront le temps de me le dire ;
Et cependant ma Soeur qui peut vous écouter,
Saura ce qu’il vous reste encor à consulter.


Scène V

.
Phèdre, Thésée

THESEE.

Le Ciel à mon amour seroit-il favorable,
Jusqu’à rendre sitôt Ariane exorable ?
Madame, quel bonheur qu’après tant de soupirs
Je pusse sans contrainte expliquez mes désirs,
Vous peindre en liberté ce que pour vous m’inspire…

PHÈDRE.

Renfermez-le, de grâce, et craignez d’en trop dire.
Vous voyez que j’observe, avant que vous parler,
Qu’aucun témoin ici ne se puisse couler.
Un grand calme à vos yeux commence de paroître,
Tremblez, Prince, tremblez, l’orage est prêt de naître.
Tout ce que vous pouvez vous figurer d’horreur
Des violents projets de l’Amour en fureur,
N’est qu’un foible crayon de la secrète rage
Qui possède Ariane, et trouble son courage.
L’aveu qu’à votre hymen elle semble donner,
Vers le piège tendu cherche à vous entraîner.
C’est par là qu’elle croit découvrir sa Rivale ;
Et dans les vifs transports que sa vengeance étale,
Plus le sang nous unit, plus son ressentiment,
Quand je serai connue, aura d’emportement.
Rien ne m’en peut sauver, ma mort est assurée.
Tout à l’heure avec moi sa haine l’a jurée,
J’en ai reçu l’Arrêt. Ainsi le fort amour
Souvent, sans le savoir, mettant sa flamme au jour,