Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/116

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Béatrix.

Avec certaine fille il eut intelligence,
Belle, mais mal en biens, de même qu’en naissance ;
On la nommoit Jacinte. Il la voyoit souvent,
Parloit de l’épouser, son pere en eut le vent.
Il pesta, fulmina, lui défendit sa vûe ;
Et voyant par le temps sa passion accrûe,
Pour la mettre où son fils ne la pût retrouver,
Il résolut enfin de la faire enlever.
Mais ayant eu sur l’heure avis du stratagême,
Le fils prévint le pere, & l’enleva lui-même,
Et prenant ce qu’il put d’argent & de bijoux,
Par une prompte fuite évita son courroux.
Pour courir après eux, quelque soin qu’on pût prendre,
Autant de pas perdus, on n’en put rien apprendre,
Tant que Dom Lope enfin, après plus de dix ans,
Manda qu’il étoit veuf, & n’avoit point d’enfans,
Qu’il s’étoit à Goa, par un peu d’industrie,
Fait un fonds assez grand pour y passer sa vie,
Et qu’il s’y résolvoit, si son pere irrité
Gardoit toujours pour lui même sévérité.
De son éloignement voilà ce qui fut cause.

Carlin.

Il m’avoit, à peu près, conté la même chose,
Mais, ma foi, je doutois s’il falloit qu’on le crût.

Béatrix.

Il aimoit bien sa femme ?

Carlin.

Il aimoit bien sa femme ?Ah !

Béatrix.

Il aimait bien sa Femme ?Ah !Quand elle mourut,
Quelle angoisse !

Carlin.

Quelle angoisse !Vois-tu, c’étoient de grosses larmes.

Béatrix.

Il pouvoit la pleurer, elle avoit bien des charmes.