Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/223

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circé

Tout de bon, trouves-tu que mes yeux…

dorine

C’est un charme.

circé

Te parois-je touchante ; et si dans cet état
À quelque cœur altier je vais livrer combat,
Penses-tu que je le désarme ?

dorine

N’en doutez point ; pour moi je ne le cache pas.
Quand mes plus tendres vœux offerts à quelque Belle,
M’auroient par cent serments soumis à ses appas,
Dès que je vous verrois, je serois infidèle.

circé

J’ai l’affront cependant (et tu m’en vois rougir)
Que le Prince m’ait vue, et ne m’est point aimée.
L’ardeur de le toucher a beau me faire agir,
Silla seule en est estimée ;
Silla l’occupe tout, et s’il pousse un soupir,
C’est Silla qui l’arrache à son âme charmée.
Je l’ai quitté d’abord pour lui donner le temps
De réfléchir sur ma rencontre ;
Mais en vain à ses yeux de nouveau je me montre,
Le nom de ce qu’il aime est tout ce que j’entends ;
Et quand Silla par moi devroit être effacée,
Silla plus que jamais règne dans sa pensée.

dorine

J’avois cru qu’exprès avec lui
Vous aviez suspendu le pouvoir de vos Charmes.

circé

Non, Dorine, et par là je juge de mon ennui.
Si mes yeux sont de sûres armes,
Pour l’attaquer j’en ai cherché l’appui.
Ils n’ont pu rien ces yeux à qui je dois la gloire
De m’assujettir tous les cœurs ;
Ils m’ont sur Mélicerte obtenu la victoire,
Lui pour qui, si je l’en veux croire,
Cette même Silla n’eut jamais de rigueurs ;