Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/235

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circé

Si vous n’obtenez que par moi
L’heureux succès que votre amour espère,
Cette douceur aura-t-elle de quoi
Vous assurer ce qui doit seul vous plaire ?
Pour bien goûter le plaisir d’être aimé,
Il faut ne le devoir qu’à l’ardeur de sa flamme.
De Silla qui vous fuit êtes-vous si charmé,
Qu’un autre Objet dont vous toucheriez l’âme
Ne pût de vous être estimé ?
Laissez agir votre mérite.
Il est mille Beautés, qui pour vous rendre heureux,
Se plairont à répondre à vos soins amoureux ;
La gloire à changer vous invite.

glaucus

Est-il rien de plus rigoureux ?
Quel conseil ! À Silla devenir infidèle !
Silla qu’on ne peut voir sans se faire une loi…

circé

Elle a tout ce qui peut mériter votre foi ;
Mais si vous ne changiez pour elle,
Qu’afin de vous donner à moi,
Heureux par cet amour, auriez-vous tant de quoi
Nommer la Fortune cruelle ?

glaucus

La gloire d’être aimé de vous
Devroit m’être un bonheur sensible,
À remplir mes vœux les plus doux ;
Mais, Madame, l’amour par un charme invincible,
Dispose de nous malgré nous.
Quoique Silla me livre à cent peines secrètes,
Sille seule peut plaire à mon cœur amoureux.
Pour Silla seule il peut former des vœux,
Et toute aimable que vous êtes,
Vous ne pourriez me rendre heureux.

circé

Tremblez de l’aveu que vous faites,
Oser à mon amour préférer d’autres feux !