Si vous n’obtenez que par moi
L’heureux succès que votre amour espère,
Cette douceur aura-t-elle de quoi
Vous assurer ce qui doit seul vous plaire ?
Pour bien goûter le plaisir d’être aimé,
Il faut ne le devoir qu’à l’ardeur de sa flamme.
De Silla qui vous fuit êtes-vous si charmé,
Qu’un autre Objet dont vous toucheriez l’âme
Ne pût de vous être estimé ?
Laissez agir votre mérite.
Il est mille Beautés, qui pour vous rendre heureux,
Se plairont à répondre à vos soins amoureux ;
La gloire à changer vous invite.
Est-il rien de plus rigoureux ?
Quel conseil ! À Silla devenir infidèle !
Silla qu’on ne peut voir sans se faire une loi…
Elle a tout ce qui peut mériter votre foi ;
Mais si vous ne changiez pour elle,
Qu’afin de vous donner à moi,
Heureux par cet amour, auriez-vous tant de quoi
Nommer la Fortune cruelle ?
La gloire d’être aimé de vous
Devroit m’être un bonheur sensible,
À remplir mes vœux les plus doux ;
Mais, Madame, l’amour par un charme invincible,
Dispose de nous malgré nous.
Quoique Silla me livre à cent peines secrètes,
Sille seule peut plaire à mon cœur amoureux.
Pour Silla seule il peut former des vœux,
Et toute aimable que vous êtes,
Vous ne pourriez me rendre heureux.
Tremblez de l’aveu que vous faites,
Oser à mon amour préférer d’autres feux !