Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/236

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J’en dis trop, mais Circé n’est pas accoutumée
À contraindre des sentiments.
S’il me plaît de choisir, je n’ai que trop d’Amants ;
Mais lorsque je m’abaisse à souffrir d’être aimée,
C’est vouloir voir ma haine à punir animée,
Que m’opposer d’autres engagements.
Pour de moindres mépris j’ai répandu la honte
Du sort le plus injurieux,
Sur des Rois dont j’ai fait la terreur de ces lieux.
Il faut d’une vengeance aussi juste que prompte,
Étaler la peine à vos yeux.
On voit paroître divers Animaux, Lions,
Ours, Tigres, Dragons, et Serpents.
En Bêtes transformés, pour m’avoir su déplaire,
Voyez-les à regret souffrir encor le jour,
Et si vous dédaignez l’offre de mon amour,
Craignez l’horreur de ma colère.

glaucus

La menace, Madame, est pour se faire aimer
Un moyen dont je crois le succès un peu rare.
Je l’entends sans m’en alarmer,
Et quoi que ces Objets me fassent présumer
Du sort honteux qu’on me prépare,
L’amour règne en mon cœur, et l’a trop su charmer,
Pour souffrir lâchement que l’effroi s’en empare.

circé

Quoi, jusqu’à me braver vous poussez vos dédains,
Connaissant qui je suis, et ce que je puis faire ?
Encor un coup redoutez ma colère.
À me fléchir vos efforts seront vains,
Si j’écoute l’amour qui la force à se taire.
Je n’ai qu’à dire un mot, et ces fiers Animaux
Fondant sur vous pour venger mon injure,
De l’un d’eux aussitôt vous prendrez la figure.
Vous me regretterez, et pour comble de maux…

glaucus

Le Ciel pourra détourner l’aventure,