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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/241

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Bizarre destinée ! À l’ardeur de ses vœux
J’abandonne Silla que je sais qu’il adore ;
Et lorsque ici ma retraite s’ignore,
Il vient malgré lui mettre obstacle à mes feux.
Malgré lui je le vois aimé de l’infidèle,
À qui j’ai su tout immoler.

astérie

Il est insensible pour elle,
C’est de quoi vous en consoler.

mélicerte

Mais au lieu d’écouter dans un pareil outrage
Le courroux qui doit l’animer,
S’il falloit, pour s’en faire aimer,
Qu’elle mît contre lui quelque Charme en usage ?

astérie

Avant le temps pourquoi vous alarmer ?

mélicerte

Sait-on ce qu’a produit leur dernière entrevue ?

astérie

Circé m’en a paru triste, toute abattue,
Mais j’ai pressé Dorine en vain de s’expliquer.
Elle étoit avec eux, et contre l’ordinaire
Il semble qu’elle veuille aujourd’hui se piquer,
De pouvoir entendre et se taire

mélicerte

Non, j’ai beau me flatter ; du bien que je poursuis
L’espérance m’est interdite.
Pour jouir du malheur où mes jours sont réduits,
Mon rival de Circé connoîtra le mérite.

astérie

Et bien, alors, faite comme je suis,
Si vous me trouvez propre à guérir vos ennuis,
Vous oublierez pour moi l’Ingrate qui vous quitte.
Quoi que jeune, un peu folle, et ce qu’il vous plaira,
(Car il faut que chacun à son âge réponde,)
Je ferai pour qui m’aimera
De la meilleure foi du monde.
Tant que le cœur nous en dira,