Scène VI
Ne vous étonnez point, Madame, de me voir
Mettre en vous tout l’espoir que mon malheur me laisse.
Je sais quel est votre pouvoir,
Et que si la pitié pour moi vous intéresse,
Vos bontés n’auront qu’à vouloir,
Pour finir l’ennui qui me presse.
J’aime ; avec moi tant d’autres ont aimé,
Que l’on doit faire grâce à l’ardeur qui m’anime ;
Et quand l’amour seroit un crime,
On s’est à l’excuser si bien accoutumé,
Qu’on ne reprocheroit à mon cœur enflammé
Qu’un foible que l’usage a rendu légitime.
Je ne vous dirai point sur quels flatteurs attraits
Du Prince qui m’aima je partageai la flamme.
L’hommage qu’il m’offrit méritoit mes souhaits,
Et je laissai toucher mon âme
Au plus beau feu qui fut jamais.
Mais enfin sur le point qu’un heureux hyménée
Des soins qu’il me rendoit alloit être le prix…
Le seul nom de Silla m’a d’abord tout appris ;
C’est assez, je connois quelle est sa destinée.
Mélicerte parti sans vous en consulter…
Oui, c’est de là que naît le trouble qui m’agite.
S’il s’est vu malgré lui forcé de me quitter,
Dites-moi quels lieux il habite,
Et rien pour le revoir ne pourra m’arrêter.