Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/263

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mélicerte

Non, toujours son image à mes yeux s’est offerte.
Que de temps à pleurer sa perte
S’est inutilement passé !
Sait-elle qu’en ce lieu l’Amour m’a fait l’attendre ?
Qu’on m’avoit assuré qu’elle s’y feroit voir ?

astérie

C’est ce que par vous-même elle pourra savoir ;
Mais Circé, vous l’aimiez ? Une amitié si tendre
Déjà sur vous est-elle sans pouvoir ?

mélicerte

Moi, qui chéris Silla d’une ardeur empressée
Qu’à peine égaleroit le plus parfoit Amant,
J’aurois pris pour Circé le moindre attachement ?
Du seul soupçon ma gloire est offensée.
Par où le méritai-je, et sur quel fondement
M’imputez-vous un changement
Dont je n’eus jamais la pensée ?

astérie

J’avois pris pour amour certains soins complaisants
Qu’à Circé je vous ai vu rendre.
On s’attache aux Objets présents,
Et pour peu que l’absence aide à se laisser prendre,
Les Hommes la plupart sont d’une foi si tendre,
Qu’il ne faut qu’un bel œil, et quelques jeunes ans,
¨Pour les réduire à ne se point défendre.

mélicerte

Non, si j’ai vu Circé, j’ai voulu seulement
Apprendre d’elle où Silla pouvoit être.
Dans ces lieux à toute heure elle devoit paroître,
Et j’attendois toujours ce bienheureux moment.
Enfin il est venu, mais suis-je encor moi-même ?
Elle est dans le Palais, et je m’arrête ici ?