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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/290

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Mais apprenez qu’un Dieu parmi nous se déguise,
Et cessez de vous étonner.
Celui qui passe ici pour le Prince de Thrace,
C’est Glaucus, à qui dans sa Cour
Parmi les Dieux Marins Neptune a donné place.
Vous connoissez l’objet de son amour,
Vous en a-t-on appris la funeste disgrâce.

florise

Quoi, qu’est-il arrivé ?

dorine

J’en tremble encor d’horreur.
Par un supplice épouvantable
Silla vient d’éprouver tout ce qu’en sa fureur
L’Amour qu’on brave trop, a de plus redoutable.
Glaucus dans le Jardin rendoit grâce à Circé,
D’avoir fait que pour lui Silla devînt sensible,
Quand vers eux d’un pas empressé,
Avecque cette Nymphe autrefois inflexible,
Mélicerte s’est avancé.
Sur Glaucus, dont Silla reçoit d’abord l’hommage,
Il jette un regard furieux,
Et tout rempli de la secrète rage
De les voir à l’envi l’un et l’autre à ses yeux
Se donner de leur flamme un tendre témoignage,
Il s’emporte, il menace, il accuse les Dieux,
Et demandant raison de cet outrage.
Rejette sur Circé le changement fatal
Qui fait triompher son rival.
Circé ne fait sur lui qu’étendre sa baguette,
Il devient Arbre au même instant.
Dans le tronc qui l’enferme il murmure, on l’entend.
Silla voit le prodige, et tremblante, inquiète,
Semble prévoir le malheur qui l’attend.
Circé, pour apaiser ce qu’elle prend d’alarmes,
Lui fait connoître un Dieu caché dans son Amant,
Et par un prompt éloignement ;
La laisse en liberté de goûter tous les charmes,
Que doit avoir pour elle un si doux changement.