Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/339

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Virgine.

Peut-on mieux assurer un secret ?Je l’avoue,
Tant de précaution mérite qu’on vous loue ;
Mais vous perdez beaucoup à vous cacher ainsi.
Déjà pour vous Olympe a le cœur adouci,
Et le galant auteur de tant de belles fêtes
La mettroit aisément au rang de ses conquêtes.

Le Marquis.

Il est vrai, j’ai connu par certains embarras
Qu’elle seroit d’humeur à ne me haïr pas ;
Mais, quand je serois moins à ma belle comtesse,
Olympe au chevalier doit toute sa tendresse,
Il l’adore, & je l’ai toujours trop estimé,
Pour lui ravir l’objet dont je le vois charmé.

Virgine.

Ma maîtresse aime Olympe, & pour voir cette belle,
Permet au chevalier un libre accès chez elle.
Depuis qu’elle est ici, par mille tendres soins,
De l’amour qui l’attire, il rend nos yeux témoins ;
Mais plus on vous verra, plus je crains pour sa flamme,
Les devoirs qu’il lui rend ne touchent point son ame ;
Et ses regards sur vous à toute heure arrêtés,
Ne parleroient que trop, s’ils étoient écoutés.
Mais vous, par quel motif vouloir toujours vous taire ?
A-t-on à se cacher, quand on est sûr de plaire ?
Vos soins, sous votre nom, auroient été reçus.

Le Marquis.

Chacun a ses raisons, & j’en ai là-dessus.
Tout ce qui peut charmer se trouve en la comtesse ;
Mais soit par défiance, ou par délicatesse,
Le secret de son cœur se ménage si bien,
Qu’avec elle un amant n’est jamais sûr de rien ;
Elle veut être aimée, attire, écoute, engage,
Mais le plus avancé n’a pas grand avantage ;
La presser c’est se rendre indigne de sa foi,
Et vingt fois, tu le sais, elle a dit devant moi
Qu’on auroit vers son cœur moins de chemin à faire,
Plus, sans rien exiger, on feroit pour lui plaire.