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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/340

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D’abord qu’elle fut veuve, un tendre & pur amour
M’engagea, sans réserve, à lui faire ma cour.
Aucun autre, avant moi, n’avoit brûlé pour elle,
Et par toute l’ardeur qui peut suivre un beau zéle,
Je n’ai pû mériter qu’en faveur de mes feux,
Elle ait daigné jamais refuser d’autres vœux.
J’en vois qui se livrant, sans que rien les alarme,
Aux malignes douceurs d’un accueil qui les charme,
Sur la foi de ses yeux s’osent imaginer
Que son cœur est sensible, & prêt à se donner ;
Mais je connois le piége, & plains leur imprudence.
Cependant, pour agir avec plus d’assurance,
J’ai voulu joindre aux vœux qu’elle reçoit par moi,
L’amour d’un Inconnu qui prétend à sa foi.
D’estime en sa faveur je la voi prévenue,
Et de ce double appui ma flamme soutenue,
En aura moins de peine à me faire emporter
Ce qu’en vain mes rivaux me voudront disputer.
Son cœur aimant en moi mon amour, ma personne,
Aime dans l’Inconnu les plaisirs qu’il lui donne ;
Elle y rêve, & mon feu, par cet heureux secours,
A trouvé les moyens de l’occuper toujours.
D’ailleurs, j’ai la douceur, quel plaisir quand on aime !
Que souvent elle vient me parler de moi-même,
Et vantant l’Inconnu, sans le croire si près,
Me montre un cœur touché de tout ce que je fais.
Que t’en dit-elle à toi ? Parle.

Virgine.

Que t’en dit-elle à toi ? Parle.Elle en est ravie.
La gloire fut toujours le charme de sa vie.
Plus vos soins font d’éclat, plus elle s’applaudit
De ce qu’à son mérite ils donnent de crédit.
Ce n’est point par sa flamme une flamme enhardie,
Elle reçoit des vœux sans qu’elle les mandie ;
Et puis contre l’amour quoi qu’on ait résolu,
Le nombre des amans n’a jamais trop déplû ;