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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/401

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Ai-je dit, n’a-t-on pas préparé tout ceci
Pour un certain château qui n’est pas loin d’ici ?
Je l’embarrassois fort, il ne savoit que dire ;
Mais c’étoit dire assez, que se taire & sourire.
Je lui serrois toujours le bouton de fort près,
Quand, comme si la chose eût été faite exprès ;
Ce grosset, ce basset commençant à paroître,
Vous étes curieux, parlez à notre maître,
Le voilà, m’a-t-il dit, tout à propos venu.
N’ayant pas à douter qu’il ne fût l’Inconnu,
J’ai contemplé long-temps sa grotesque figure ;
Il avoit sur son nez jetté sa chevelure,
Et pour embarrasser mon curieux souci,
Sous une fausse barbe il cachoit tout ceci.
Alors plein d’un chagrin que d’assez justes causes…
Madame, pardonnez si j’ai poussé les choses ;
Quand on voit qu’un rival cherche à se rendre heureux,
Et qu’on peut l’épargner, on n’est guere amoureux.

Le Marquis.

Et qu’avez-vous donc fait ?

Le Vicomte.

Et qu’avez-vous donc fait ?Ce que j’ai fait ? Silence.
Je dirai tout par ordre, un peu de patience.
J’ai demandé d’où vient qu’il campoit dans ce bois ?
Pourquoi la fausse barbe ? Enquis deux ou trois fois ;
Et pressé de parler, plus il se vouloit taire :
Pourquoi je campe ici ? Qu’en avez-vous à faire ?
C’est mon plaisir, m’a-t-il sottement répondu.
Alors d’un grand coup d’œil qu’il a bien entendu,
Lui marquant fierement que je l’allois attendre,
Je me suis éloigné.

Le Marquis.

Je me suis éloigné.C’étoit fort bien le prendre.

Le Vicomte.

Me battre là ! Par tout j’aurois été blâmé,
Il avoit vingt valets qui m’auroient assommé.