Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/468

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Cécile.

C’est reconnoître mal le zéle qui m’engage
À vous donner avis de prévenir l’orage.
Si l’orgueil qui vous porte à des projets trop hauts,
Fait parmi vos vertus connoître des défauts,
Ceux qui pour l’Angleterre en redoutent la suite,
Ont droit de condamner votre aveugle conduite.
Quoique leur sentiment soit différent du mien,
Ce sont gens sans reproches, & qui ne craignent rien.

Le Comte.

Ces zélés pour l’état ont mérité, sans doute,
Que sans mal juger d’eux la reine les écoute ;
J’y crois de la justice, & qu’enfin il en est
Qui, parlant contre moi, parlent sans intérêt.
Mais Raleg, mais Coban, mais vous-même peut-être
Vous en avez beaucoup à me déclarer traître.
Tant qu’on me laissera dans le poste où je suis,
Vos avares desseins seront toujours détruits.
Je vous empêcherai d’augmenter vos fortunes
Par le redoublement des miseres communes ;
Et le peuple réduit à gémir, endurer,
Trouvera, malgré vous, peut-être à respirer.

Cécile.

Ce que ces derniers jours nous vous avons vû faire,
Montre assez qu’en effet vous êtes populaire ;
Mais dans quel haut rang que vous soyez placé,
Souvent le plus heureux s’y trouve renversé.
Ce poste a ses périls.

Le Comte.

Ce poste a ses périls.Je l’avouerai sans feindre,
Comme il est élevé, tout m’y paroît à craindre ;
Mais, quoique dangereux pour qui fait un faux pas,
Peut-être encor si-tôt je ne tomberai pas ;
Et j’aurai tout loisir, après de longs outrages,
D’apprendre qui je suis à des flatteurs à gages,
Qui me voyant du crime ennemi trop constant,
Ne peuvent s’élever qu’en me précipitant.