Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/473

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Il verra ce que c’est que de s’être caché,
Cet amour où pour lui mon cœur s’est relâché.
J’ai souffert jusqu’ici ; malgré ses injustices,
J’ai toujours contre moi fait parler ses services ;
Mais puisque son orgueil va jusqu’aux attentats,
Il faut en l’abaissant étonner les ingrats ;
Il faut à l’univers qui me voit, me contemple,
D’une juste rigueur donner un grand exemple,
Il cherche à m’y contraindre, il le veut, c’est assez.

La Duchesse.

Quoi, pour ses ennemis vous vous intéressez,
Madame ? Ignorez-vous que l’éclat de sa vie,
Contre le rang qu’il tient, arme en secret l’envie ?
Coupable en apparence…

Élisabeth.

Coupable en apparence…Ah ! Dites en effet,
Les témoins sont ouïs, son procès est tout fait ;
Et si je veux enfin cesser de le défendre,
L’Arrêt ne dépend plus que de le faire entendre.
Qu’il y songe, autrement…

La Duchesse.

Qu’il y songe, autrement…Hé quoi, ne peut-on pas
L’avoir rendu suspect sur de faux attentats ?

Élisabeth.

Ah plût au ciel ! Mais non, les preuves sont trop fortes.
N’a-t-il pas du palais voulu forcer les portes ?
Si le peuple qu’en foule il avoit attiré,
Eût appuyé sa rage, il s’en fût emparé.
Plus de trône pour moi, l’ingrat s’en rendoit maître.

La Duchesse.

On n’est pas criminel toujours pour le paroître.
Mais je veux qu’il le soit ; ce cœur de lui charmé
Résoudra-t-il sa mort ? Vous l’avez tant aimé !

Élisabeth.

Ah ! Cachez-moi l’amour qu’alluma trop d’estime ;
M’en faire souvenir, c’est redoubler son crime.