Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/500

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Alors de sa rigueur le foudroyant éclat,
Asservissant sa gloire, aura sauvé l’état.
Mais sur moi, qui maintiens la grandeur souveraine,
Du crime des méchans faire tomber la peine,
Souffrir que contre moi des écrits contrefaits…
Non, la postérité ne le croira jamais.
Jamais on ne pourra se mettre en la pensée,
Que de ce qu’on me doit la mémoire effacée,
Ait laissé l’imposture en pouvoir d’accabler…
Mais la reine le voit, & le voit sans trembler,
Le péril de l’état n’a rien qui l’inquiéte,
Je dois être content, puisqu’elle est satisfaite,
Et ne point m’ébranler d’un indigne trépas
Qui lui coûte sa gloire, & ne l’étonne pas.

Tilney.

Et ne l’étonne pas ! Elle s’en désespere,
Blâme votre rigueur, condamne sa colere ;
Pour rendre à son esprit le calme qu’elle attend,
Un mot à prononcer vous coûteroit-il tant ?

Le Comte.

Je crois que de ma mort le coup lui sera rude,
Qu’elle s’accusera d’un peu d’ingratitude.
Je n’ai pas, on le sait, mérité mes malheurs ;
Mais le temps adoucit les plus vives douleurs.
De ses tristes remords si ma perte est suivie,
Elle souffriroit plus à me laisser la vie.
Foible à vaincre ce cœur qui lui devient suspect,
Je ne pourrois pour elle avoir que du respect ;
Tout rempli de l’objet qui s’en est rendu maître,
Si je suis criminel, je voudrois toujours l’être ;
Et sans doute il est mieux qu’en me privant du jour,
Sa haine, quoiqu’injuste, éteigne son amour.

Tilney.

Quoi, je n’obtiendrai rien ?

Le Comte.

Quoi, je n’obtiendrai rien ?Tu redoubles ma peine,
C’est assez.