Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/501

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Tilney.

C’est assez.Mais enfin, que dirai-je à la reine ?

Le Comte.

Qu’on vient de m’avertir que l’échafaud est prêt,
Qu’on doit dans un moment exécuter l’arrêt ;
Et, qu’innocent d’ailleurs, je tiens cette mort chere,
Qui me fera bien-tôt cesser de lui déplaire.

Tilney.

Je vais la retrouver ; mais, encore une fois,
Par ce que vous devez…

Le Comte.

Par ce que vous devez…Je sais ce que je dois.
Adieu, puisque ma gloire à ton zéle s’oppose,
De mes derniers momens souffre que je dispose ;
Il m’en reste assez peu, pour me laisser au moins
La triste liberté d’en jouïr sans Témoins.



Scène II.

LE COMTE seul.

Ô fortune, ô grandeur, dont l’amorce flatteuse
Surprend, touche, éblouit une ame ambitieuse,
De tant d’honneurs reçûs, c’est donc là tout le fruit ?
Un long temps les amasse, un moment les détruit.
Tout ce que le destin le plus digne d’envie
Peut attacher de gloire à la plus belle vie,
J’ai pû me le promettre, & pour le mériter,
Il n’est projet si haut qu’on ne m’ait vu tenter ;
Cependant aujourd’hui, se peut-il qu’on le croie,
C’est sur un échafaud que la reine m’envoie.
C’est-là qu’aux yeux de tous m’imputant des forfaits…