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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/510

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ACTE V



Scène I.

ÉLISABETH, TILNEY.
Élisabeth.

L’approche de la mort n’a rien qui l’intimide ?
Prêt à sentir le coup, il demeure intrépide ;
Et l’ingrat, dédaignant mes bontés pour appui
Peut ne s’étonner pas, quand je tremble pour lui ?
Ciel ! Mais en lui parlant, as-tu bien sû lui peindre,
Et tout ce que je puis, & tout ce qu’il doit craindre ?
Sait-il quels durs ennuis mon triste cœur ressent ?
Que dit-il ?

Tilney.

Que dit-il ?Que toujours il vécut innocent,
Et que si l’imposture a pû se faire croire,
Il aime mieux périr, que de trahir sa gloire.

Élisabeth.

Aux dépens de la mienne, il veut, le lâche, il veut
Montrer que sur la reine il connoît ce qu’il peut ;
De cent crimes nouveaux fût sa fierté suivie,
Il sait que mon amour prendra soin de sa vie.
Pour vaincre son orgueil prompte à tout employer,
Jusque sur l’échafaud je voulois l’envoyer,
Pour derniere espérance essayer le reméde ;
Mais la honte est trop forte, il vaut mieux que je céde,
Que sur moi, sur ma gloire, un changement si prompt
D’un arrêt mal donné fasse tomber l’affront.