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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/537

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Cependant la fureur dont j’étois occupé
M’ayant poussé trop loin, je suis enveloppé
Par un gros d’ennemis qui contre moi s’unissent,
Pressé de toutes parts, je céde, ils me saisissent,
Me ménent en triomphe, & rendent Constantin,
Lorsqu’il l’attend le moins, maître de mon destin.
Il veut savoir mon nom ; après un long silence
Je prens celui d’Hyppalque, & cache ma naissance.
Léon vient. Cet objet me remplit de fureur,
Et l’entendant pour moi conjurer l’empereur,
Demander qu’on me traite en guerrier magnanime,
Je réponds fierement à ces marques d’estime.
Du Palais, qui m’étoit pour prison destiné,
Dans un cachot obscur je suis bientôt mené.
Point de grace pour moi, quoique Léon l’implore.
J’avois versé le sang d’un fils de Théodore.
De Constantin son frere elle obtient aisément
Qu’on immole ma vie à son ressentiment.

Marphise.

Ah ! Que m’apprenez-vous ?

Roger.

Ah ! Que m’apprenez-vous ?La mort la plus cruelle
Pour remplir sa fureur à peine suffit-elle.
Sa vengeance médite un supplice nouveau ;
Et j’attendois la main d’un infame bourreau,
Quand un Libérateur, qu’à ma défense anime
D’une honteuse mort l’arrêt illégitime,
Vient la nuit me tirer de cet affreux séjour,
Où jamais le Soleil ne fit entrer le jour.
Le croirez-vous, ma sœur ? C’étoit Léon lui-même,
Qui me veut pour ami, demande que je l’aime ;
Et qui, dans un vaisseau, qu’il faisoit tenir prêt,
Met ma vie à couvert d’un si funeste arrêt.
Qu’un bienfait aux grands cœurs est un sensible charme !
Je veux perdre Léon, sa vertu me désarme.