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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/550

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Scène II.

BRADAMANTE, ROGER, DORALISE.
Bradamante.

Je vois quels sentimens mon malheur vous inspire,
Et lis dans vos regards ce que vous m’allez dire.
Ne vous contraignez point, parlez, accusez-moi
D’avoir pû consentir à vous manquer de foi.
Dites que sur l’éclat d’une couronne offerte
J’ai trahi mes sermens, résolu votre perte,
Abandonné mon ame à l’infidélité ;
La plainte sera juste, & j’ai tout mérité.

Roger.

Ma raison, il est vrai, céde au coup qui m’accable ;
Et tel est de mes maux l’abîme épouvantable,
Qu’à quelque dur excès qu’on les veuille porter,
La colere du ciel n’y peut rien ajouter.
Mais, Madame, tombé dans ce terrible gouffre
Où l’horreur des enfers céde à ce que je souffre,
On ne me verra point, par un transport jaloux,
Permettre à mon amour de se plaindre de vous.
Celui de Bradamante est pur, ardent, sincere,
Elle a fait au combat tout ce qu’elle a pû faire ;
Et lorsqu’elle est réduite à souffrir un vainqueur,
La faute est du destin, & non pas de son cœur.

Bradamante.

Je ne chercherai point, dans une vaine excuse,
À jouir de l’erreur d’un amant qui s’abuse.
Vous devez condamnez la langueur de mon bras.
Je n’ai point eu l’ardeur que je porte aux combats.