La victoire a pour moi vingt fois paru certaine.
Léon ne s’est long-temps défendu qu’avec peine ;
Prodigue de son sang pour épargner le mien,
Vous l’avez vû s’offrir…
Dans ce fatal combat votre ennemi, sans doute,
A craint ce qu’aujourd’hui son triomphe vous coûte.
Mais n’examinons point ce triste événement.
Le Ciel veut à Léon immoler votre amant ;
Ses ordres sont des loix qu’on ne sauroit enfreindre :
Encore un coup, de vous je n’ai point à me plaindre.
L’amour vous place au trône ; &, quand vous y montez,
Il vous donne encor moins que vous ne méritez.
Sur un trône éclatant Léon m’offre une place ;
Mais, si pour l’accepter j’avois l’ame assez basse,
Roger, qui doit tout faire afin de m’acquérir,
M’aimeroit-il si peu qu’il le voulût souffrir ?
Et comment éviter ce qui me désespere,
Quand vous avez rendu votre hymen nécessaire ?
Ce funeste défi qu’autorisa le roi,
N’a-t-il pas au vainqueur engagé votre foi ?
J’ai promis, il est vrai, je ne puis m’en dédire,
Je dois subir la loi que j’ai voulu prescrire ;
Mais cet engagement vous ôte-t-il les droits
Que sur moi, sur mon cœur vous donne un premier choix ?
Verrez-vous de Léon récompenser la flamme
Sans que par mille efforts votre amour…
Dans l’état déplorable où le destin m’a mis,
Quels efforts contre lui peuvent m’être permis ?