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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/56

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Scène II


Achille, Polixène, Alcime, Ilione.

ACHILLE

Madame, dans vos yeux je lis ce qui se passe,
D’Achille trop à vous l’amour vous embarrasse,
Et votre cœur gêné de l’aveu que j’ai fait
Ne peut en ma faveur obéir qu’à regret.
Je lui voudrois sans doute épargner ce supplice,
Mais daignez vous connoître, et me rendez justice.
Tout ce qui fut jamais d’engageant et de doux,
Tout ce qui peut charmer, le Ciel l’a mis en vous.
J’ai des yeux, c’est assez pour n’aimer qu’à vous plaire.
D’un si noble dessein rien ne me peut distraire,
J’y mettrai tous mes soins, et si votre froideur
S’obstine de mes vœux à combattre l’ardeur,
Tant de respect suivra le beau feu qui m’anime,
Que vous croirez au moins me devoir votre estime,
Et peut-être à la fin souffrirez-vous qu’un jour
Cette estime enhardie aille jusqu’à l’amour.

POLIXÈNE

De l’univers entier l’estime vous est due,
Seigneur, et quand de vous la mienne est attendue,
Vos bontés m’en ont fait un si pressant devoir,
Que vous la refuser n’est pas en mon pouvoir.
Mais je vous l’avouerai, quelque rang où m’élève
Cet Hymen dont l’accord joint la paix à la trêve,
Je n’y saurois penser que mes sens étonnés
Ne rejettent l’honneur que vous me destinez.
Je ne vous dira point que votre main offerte
D’Hector tombé sous vous me reproche la perte,
Mon père et mon pays ont des droits absolus,
Ils parlent, c’est assez, je ne m’en souviens plus ;