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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/569

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ACTE V



Scène I.

ROGER, DORALISE.
Roger.

Non, je ne prétens plus exposer à sa vue,
Le déplorable excès du tourment qui me tue.
Je pars, & vais traîner en d’inconnus climats
Des jours infortunés qui ne lui plaisent pas.
Mais au moins, si tu veux qu’en cette juste envie,
Avec moins de regret j’abandonne la vie,
Dis-lui cent fois pour moi que malgré sa rigueur,
Elle seule à jamais regnera dans mon cœur ;
Et que si d’un objet que d’aimer on fit gloire
Au-delà du tombeau l’on garde la mémoire,
Son image toujours flattant mon souvenir,
M’y fera cette paix qui ne doit point finir.

Doralise.

Pour un cœur bien épris la disgrace est touchante ;
Mais si votre bonheur dépend de Bradamante,
Sans combattre Léon pourrez-vous endurer…

Roger.

Non, Doralise, non, j’aurois tort d’espérer.
Je ne m’explique point ; mais le ciel en colere
Fait agir pour ma peine un astre si contraire,
Que plus sur mon malheur je tiens les yeux ouverts,
Plus a d’horreur pour moi l’abîme où je me perds.

Doralise.

Dans cet accablement on ne peut trop vous plaindre.