Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/570

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Roger.

Tu conçois mal, hélas ! tout ce que je dois craindre.
Falloit-il qu’un revers si prompt, si rigoureux
Dans un si pur amour m’empêchât d’être heureux ?

Doralise.

Roger fait vos malheurs, & par son hyménée
Vous dérobant la foi que l’on vous a donnée…

Roger.

Ah, quand je la reçus, que mon bonheur fut grand !
Mais n’examinons rien dans ce qui te surprend.
Bradamante m’accuse, & me croit infidéle.
Sur l’hymen de Léon à quoi se résout-elle ?
Mon malheur lui devroit coûter quelques regrets.

Doralise.

Aimon pour cet hymen ne parle que d’apprêts.
Tandis qu’il les ordonne, elle gémit, soupire ;
Et pour vous dans son cœur, s’il m’est permis de lire,
L’ennui qu’elle fait voir, ne se doit imputer…
Mais Léon qui paroît m’oblige à vous quitter.



Scène II.

LÉON, ROGER.
Léon.

Je romps votre entretien, & peut-être à ma honte,
Du cœur de Bradamante on vient vous rendre compte.
Je ne demande point quels sont ses sentimens.
Je sai ce que l’amour inspire aux vrais amans ;
Et comme vous, sans doute, elle fait son supplice
Du bonheur dont le ciel consent que je jouisse.