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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/64

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Si sa haine a pour moi des revers éclatants,
Vous plaindrez mes malheurs quand il en sera temps.

BRISEIS

Va, fais gloire des noms de parjure et de traître,
Ingrat, pour espérer j’ai trop dû te connoître,
Et savoir que ton cœur, après ta lâcheté
N’en voudroit consulter que sa seule fierté.
Aussi je rougirois si pour toucher ton âme
A ses entiers transports j’abandonnois ma flamme,
Si je te faisois voir dans quel gouffre d’ennuis
Me plonge le malheur où mes jours sont réduits.
Non, ne présume point que je m’abaisse à dire
Que j’ai peu mérité les maux dont je soupire,
Que le parfoit amour qui m’engage ta foi…
Hélas, crois-tu qu’une autre en ait autant pour toi ?
Crois-tu qu’une tendresse aussi pure et solide
Soit… J’entends tes regards, c’est trop pour un perfide,
De tes serments faussés ton cœur est satisfait,
La trahison te plaît, je te perds sans regret.
Cours presser un hymen dont je suis la victime,
Il suffit que les Dieux soient ennemis du crime.

ACHILLE

Madame…

BRISEIS

En vain sur toi l’on voudroit attenter,
Tu le crois, mais enfin, crains de te trop flatter.
Ces Dieux dont le pouvoir t’a fait invulnérable
Ne te protègent pas pour te rendre coupable,
Ils conduiront le dard quand il sera lancé,
Et trouveront par où tu peux être percé ;
Confus, désespéré, tu verras Polyxene,
Quand ton sang coulera, triompher de ta peine,
L’image de Pyrrhus heureux par ton trépas…