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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/65

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Achille sort.


Scène IV


Briseis, Phénice.

BRISEIS

Tu me quittes cruel, et ne m’écoutes pas,
Mes reproches pour toi sont un trop dur supplice,
Tu ne les peux souffrir, tu ne peux… Ah, Phénice,
Il est temps qu’avec toi ma douleur mette au jour
Toute l’horreur des maux où m’abîme l’amour.
Je sens ce coup affreux… Mais quand il me déchire
Le sentirois-je assez si je pouvois le dire ?
Pour mieux voir de ces maux le déplorable excès
Peins-toi les plus beaux feux dont on brûla jamais,
Peins-toi d’un long espoir, quand l’amour est extrême…

PHENICE

Eh, Madame, tâchez de vous rendre à vous même.
Achille traître, ingrat, ne vaut pas aujourd’hui
Le moindre des soupirs que vous perdez pour lui.
Ne songez qu’à régner, il est doux de reprendre
Un Trône dont le sort vous avoit fait descendre,
De vos États perdus…

BRISEIS

Tu me parles d’États.
Des plus vastes grandeurs joins les plus doux appas,
Rends-moi du monde entier la conquête facile,
En être reine, est moins que régner sur Achille.
Il avoit tout mon cœur, tu ne l’as que trop su,
S’il s’est donné cent fois, cent fois il l’a reçu,
Cent fois il m’a juré que Briseis aimée…
Ah, suivons la fureur dont je suis animée,
Vengeons-nous d’un ingrat qui m’ose dédaigner,
Une juste douleur ne doit rien épargner,