Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/68

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Scène II


Polixène, Pyrrhus, Ilione.

POLIXÈNE

Ah, Prince, quel sujet en ce lieu vous amène ?
Sera-ce, en m’accablant un charme à vos douleurs
Que le triste plaisir de jouir de mes pleurs ?

PYRRHUS

Vous pouvez l’accorder, Madame, à mon envie,
Puisque c’est le dernier que j’aurai de ma vie.
Ulysse, Ajax, Nestor, contre Achille employés,
Sans l’avoir pu fléchir ont été renvoyés,
Il vous épouse, et moi, le désespoir dans l’âme,
Plein des vives ardeurs de la plus tendre flamme,
Trop foible pour les maux que je vois à souffrir
Je viens auprès de vous les accroître, et mourir.

POLIXÈNE

Quoi que l’ordre en soit dur, lorsqu’on m’attend au Temple,
Je vous le donnerois, Prince, par mon exemple,
Si Troie à qui ma main preste quelque secours
Ne me défendoit pas d’attenter sur mes jours.
Je dois à mon pays cette mourante vie
Que l’horreur de mon sort m’aura bientôt ravie.
Vos feux ont eu pour moi de trop flatteurs appas
Pour souffrir votre perte, et n’y succomber pas,
Ma tendresse pour vous si longtemps écoutée…

PYRRHUS

Peut-être mon amour l’avoit bien méritée.
Au moins puis-je jurer que jamais tant d’ardeur
Pour un charmant Objet n’a régné dans un cœur,
Que le mien tout à vous sans que rien le partage,
Vous a de tous mes vœux soumis le pur hommage,