Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/69

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Qu’en vous donnant sur lui ce pouvoir absolu…
Que de bonheur, hélas, si le Ciel l’eut voulu,
S’il eut pu consentir qu’en se faisant connoître
L’amour de nos destins fut demeuré le maître !
Flatteuse illusion qui viens m’embarrasser !
Achille vous épouse, il n’y faut plus penser.

POLIXÈNE

Vous blâmiez les frayeurs que vous me voyiez prendre,
Voila, Prince, voila ce qu’a prédit Cassandre,
Préparer mon Hymen, c’est m’ouvrir le tombeau,
Je vais porter ma teste, Achille est mon bourreau.
Si l’oracle est cruel, au moins il vous éclaire
A voir qu’à cet Hymen je ne survivrai guère,
Et que si de votre âme il fait l’accablement
Vous n’aurez pas longtemps à souffrir ce tourment.

PYRRHUS

Mais Achille aura su triompher de ma flamme.
Ne fut-ce qu’un moment, y songez-vous, Madame ?
Ce moment de souffrance est un amas de maux
Tels que même aux enfers il n’en est point d’égaux.
De la douceur d’aimer n’ai-je pris l’habitude
Que pour être l’objet d’un supplice si rude,
Et falloit-il qu’ayant à m’ôter votre foi
On me fit espérer que vous seriez à moi ?

POLIXÈNE

Et bien, Prince, oubliez que vous m’avez aimée,
Que le peu que je vaux tint votre âme charmée.
Armez-vous contre moi d’un cœur indifférent.

PYRRHUS

Ah, de tous mes malheurs c’est ici le plus grand,
Vous oublier ! Je vois votre injustice extrême,
Madame, vous prendrez ce conseil pour vous même,
Et Pyrrhus effacé malgré de si beaux feux
Verra bientôt Achille en état d’être heureux.