Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/77

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Trouves-y les douceurs dont tu t’osois répondre,
Brave un ingrat mourant, sois fière à le confondre,
Et songe, après un bien si cher à tes souhaits
Quel sera ton bonheur à ne le voir jamais.
Dieux, suis-je encor moi-même ? Achille est mort ! Phénice,
Aurais-tu crû le Ciel capable d’injustice ?
Souffrir qu’Achille…

PHENICE

Il meurt, et sa mort vous abat,
Mais songez-vous qu’Achille étoit parjure, ingrat ?
Que tout à Polixène, il n’aspiroit qu’à suivre
Ce que l’amour pour elle…

BRISEIS

Ah, que ne peut-il vivre,
Quoi qu’une autre à mes yeux triomphât de sa foi,
Je le verrois du moins, ce seroit tout pour moi,
Le remords de ma perte et de son injustice
Peut-être lui feroit partager mon supplice,
Il souffriroit peut-être en me voyant souffrir.
N’a-t-il rien dit, Alcime, et l’as-tu vu mourir ?

ALCIME

À peine il a du coup senti la rude atteinte
Qu’il tombe, et d’un regard qui fait naître la crainte
Reprochant à Pâris son indigne attentat,
"Il faut céder, dit-il, au destin qui m’abat,
Je meurs ; du lâche coup dont la rigueur m’entraîne,
L’infamie étoit due au Ravisseur d’Hélène :
Il s’arrête à ces mots, et voyant les Troyens
Le laisser par leur fuite entre les bras des Siens ;
S’étant tourné vers moi ; le ciel est juste, Alcime,
Tu le vois, m’a-t-il dit, ma mort punit mon crime,
Et venge Briseis de l’affront qu’à sa foi
Par l’hymen qui me perd, je faisois malgré moi.
Dis-lui que d’un mépris si dur si peu croyable
Plus que ma volonté le Destin est coupable,