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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/76

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ALCIME

Il est mort.

BRISEIS

Il est mort ?

ALCIME

Polixène déjà vers le temple conduite,
Avec Priam son père a pris soudain la fuite,
Il la ramène à Troie, où tristes et confus
S’ils gardent quelque espoir, il n’est plus qu’en Pyrrhus ;
Mais quoi qu’il soit allé, pour servir Polixène,
Suspendre de nos Chefs la fureur trop certaine,
Pour empêcher les maux qu’elle me fait prévoir,
Je doute que Pyrrhus ait assez de pouvoir.

BRISEIS

Non, tu me fais, Alcime, un rapport incroyable,
Achille vit encor, Achille invulnérable
N’a pu se voir sujet à la fureur du Sort.

ALCIME

Cependant d’un Mortel il a reçu la mort.
Un seul endroit au fer pouvoit donner passage,
Pâris l’a découvert, ce coup est son ouvrage.
Sitôt que le perfide a vu son sang couler,
"C’est assez, a-t-il dit, j’ai su me l’immoler,
Cet ennemi d’Hélène à mon amour ravie
Ne peut perdre de sang qu’il ne perde la vie,
C’est l’ordre du Destin. Puisqu’Achille n’est plus,
Les Grecs doivent trembler, Troie aura le dessus,
Allons de cette mort lui porter la nouvelle."
Ils se sont retirés, et la douleur mortelle
Où d’Achille expirant le malheur nous a mis,
Les a quand ils ont fui laissés sans ennemis.

BRISEIS

Il est donc vrai qu’Achille ait pu perdre la vie ?
Et bien barbare, enfin ta rage est assouvie,
Les Dieux n’en ont que trop écouté le transport,
Triomphe, il t’est permis de jouir de sa mort.