besoin de la réalité, l’exigence des sens. Les arts du dessin viennent au secours. La sculpture commence en France même avec le fameux disciple de Michel-Ange, Jean de Boulogne. L’architecture aussi prend l’essor ; non plus la sobre et sévère architecture normande, aiguisée en ogives et se dressant au ciel, comme un vers de Corneille ; mais une architecture riche et pleine en ses formes. L’ogive s’assouplit en courbes molles, en arrondissements voluptueux. La courbe tantôt s’affaisse et s’avachit, tantôt se boursoufle et tend au ventre, Ronde et onduleuse dans tous ses ornements, la charmante tour d’Anvers s’élève doucement étagée, comme une gigantesque corbeille tressée des joncs de l’Escaut.
Ces églises, soignées, lavées, parées, comme une maison flamande, éblouissent de propreté et de richesse, dans la splendeur de leurs ornements de cuivre, dans leur abondance de marbres blancs et noirs. Elles sont plus propres que les églises italiennes, et non pas moins coquettes. La Flandre est une Lombardie prosaïque, à qui manquent la vigne et le soleil. Quelque autre chose manque aussi ; on s’en aperçoit en voyant ces innombrables figures de bois que l’on rencontre de plain-pied dans les cathédrales ; sculpture économique qui ne remplace pas le peuple de marbre des cités d’Italie[1]. Par-dessus ces églises, au sommet de ces tours, sonne l’uniforme et savant carillon, l’honneur et la joie de la commune flamande. Le même air joué d’heure en heure pendant des siècles, a suffi au besoin musical de je ne sais combien de générations d’artisans, qui naissaient et mouraient fixés sur l’établi[2].