Page:Taché - Les histoires de M. Sulte, 1883.djvu/17

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vous prie d’avoir pitié de ma pauvre mère bien affligée ; vous savez l’amour qu’elle a pour moi. Je vous prie de bénir la main qui vous écrit, et qui a un doigt brûlé dans un calumet, pour amende honorable à la majesté de Dieu que j’ai offensé. »

Les dépenses de la colonie étaient défrayées par les compagnies de traite, sur les profits que leur rapportait le commerce des fourrures. Il est de principe, en économie politique, principe de justice du reste, que le revenu des impôts doit être employé, pour le gouvernement et les besoins des producteurs et des consommateurs dont les produits et la consommation sont tarifées. Or, dans ce cas, les producteurs des fourrures étaient les sauvages, les consommateurs des objets d’échange encore les sauvages. Ce dont les sauvages avaient le plus besoin, dans l’ordre du gouvernement des hommes, c’était de doctrine, de morale, d’adoucissement des mœurs, en vue de leur fin prochaine et de leur fin dernière. Donc le soutien des missions parmi eux était, pour le gouvernement, une obligation de droit strict. C’est ce que comprenaient les rois de France, Jacques Cartier et nos aïeux ; mais cela vous passe par-dessus la tête, M. Sulte, parce que vous vous êtes accroupi.

En plus, les sauvages, étant les premiers occupants du sol, avaient contre les nouveaux arrivés un droit indéniable à exercer, en retour de l’occupation de leurs pays : ce droit a été reconnu par tous les gouvernements ; il ne pourrait être méconnu que de ceux chez qui tout principe et toute intelligence du juste font défaut. Cette dette, il fallait l’acquitter ; or nous en serions encore à le faire si les missionnaires, aidés des deniers de la France et du dévouement courageux de nos ancêtres, n’y avaient surabondamment pourvu, en apportant à ces peuples, avec les mérites de leur sang répandu pour eux, le don de la Foi.

Pauvre M. Sulte, quel mauvais génie, ennemi de tous vos intérêts, vous a donc poussé à écrire l’histoire, vous qui paraissez ignorer jusqu’aux premières notions de la théologie, de la philosophie, du droit et des autres sciences dont l’historien a besoin pour accomplir sa tâche, difficile autant que délicate. On n’écrit pas l’histoire comme on écrit ces gaies bluettes que vous intitulez ; « La trompette effrayante, » — « Une chasse à l’ours », « La corde à virer le vent. »

Le réquisitoire de M. Sulte, contre les Pères de la Compagnie de Jésus, est aussi long qu’il est niais, acerbe et violent je n’ai pas l’intention de l’épuiser, d’autres s’en occuperont, j’ai lieu de le croire. Toutefois, je ne puis pas l’abandonner encore. Il accuse les Jésuites d’avoir négligé, que dis-je, d’avoir tout à fait enrayé, les progrès de la colonie. — « Les Jésuites, dit M. Sulte, ont joué leur rôle, ici, à notre détriment : ils n’ont pas de titre à l’impunité. » — Il dit encore : —