Page:Taché - Les histoires de M. Sulte, 1883.djvu/18

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« les Jésuites s’occupaient de toutes autres choses que des habitants : » Et encore :

— « Il y avait en évidence deux objets : la conversion des indigènes et l’établissement de colons français ; pourquoi avoir abandonné l’un et l’autre au contrôle des Jésuites, qui eurent grand soin de rejeter dans l’ombre les cultivateurs, la vraie sève du pays, et qui étouffèrent, pendant plus de trente ans, les plaintes de cette population ?  »

M. Sulte, d’ordinaire, ne pèche pas par excès de concision, mais il faut ici lui rendre cette justice qu’il serait difficile d’accumuler plus de faussetés et d’erreurs, dans moins de mots qu’il n’en a mis dans ces passages. Les Jésuites contribuaient largement au progrès de la colonie : mais ils n’avaient point le contrôle de ses affaires et, loin d’avoir étouffé les plaintes des habitants, ils furent souvent chargés par eux de représenter leurs intérêts en France ; ce qu’ils firent, souvent avec succès.

Le fait est que les Jésuites s’étaient identifiés avec la population, qui recourait à eux dans tous ses besoins. Ils furent défricheurs comme ils furent apôtres, pasteurs de colons, comme missionnaires des sauvages, se prodiguant partout, s’exposant partout et répandant, à large main, les moyens qu’ils obtenaient de leurs amis de France.

Champlain, parlant des Jésuites, dit : « Ils n’ont perdu aucun temps, comme gens vigilants et laborieux qui marchent tous d’une même volonté, sans discorde, qui ont fait que dans peu de temps, ils eussent eu des terres pour se pouvoir nourrir et passer des commodités de France ; et plût à Dieu que, depuis vingt-trois à vingt-quatre ans, les sociétés eussent été aussi réunies et poussées du même désir que ces bons Pères : il y aurait maintenant plusieurs habitations au pays. »

Les Jésuites ont apporté, en secours au pays, vingt fois plus qu’ils n’ont reçu ; ce qu’ils ont eu de la traite n’eût jamais pu défrayer la vingtième partie de leurs dépenses. D’un seul coup, dans les premiers travaux de l’érection de leur collège, ils dépensèrent seize mille écus d’or, produit du patrimoine d’un jeune gentilhomme de Picardie qui était entré dans la Compagnie de Jésus. Leurs pères en France et jusqu’à leurs novices s’adressaient à leurs familles et à leurs amis, et les faisaient contribuer pour la colonisation et pour les missions du Canada. Ils ont équipé à leurs frais, en différents temps, plusieurs navires chargés de provisions et d’instruments d’agriculture, navires qui amenaient en même temps des colons et des gens que les Jésuites employaient à défricher des terres. Tout cela aidait à secourir les malheureux, à bâtir des chapelles, à faire des fondations, à défrayer leurs voyages, à coloniser et à évangéliser en un mot.

Quand la disette du blé se faisait, les Jésuites, dont les