Page:Taché - Les histoires de M. Sulte, 1883.djvu/6

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être brave malgré eux, ces hommes-là ; mais vous avez donc perdu le sens, M. Sulte ? « Nous qui ne sommes, dit M. Sulte, ni Français de France, ni prêtre, et qui ne craignons pas les censures ecclésiastiques, nous écrivons la vérité. » D’abord, il n’est pas probable que les censures ecclésiastiques s’exercent à réfuter de semblables balivernes. On ne tire pas du canon pour écraser des punaises. Puis, si vous n’avez pas d’amour pour la France, si vous détestez les Français de France en leur qualité de Français, si vous dédaignez le prêtre et si vous faites fi des censures ecclésiastiques, vous n’êtes point des nôtres ; dans ce cas, vous auriez obtenu nos souscriptions par un abus de confiance. Si M. Sulte eut annoncé qu’il devait attaquer la mémoire de Mgr de Laval, de Jacques-Cartier et autres, qu’il devait représenter comme un tort, infligé au Canada et a ses habitants, le travail héroïque de l’évangélisation des sauvages, qu’il devait parler des missionnaires et de nos pères dans la Foi, dans un langage qu’ont évité, par respect pour eux-mêmes, les ennemis de notre race, de nos croyances, de notre histoire, dans leurs plus grands écarts, il n’eût pas obtenu, parmi nous, fidèles de nos traditions, assez de souscriptions pour payer l’encre dont il a maculé son papier : il eut été forcé de s’adresser à un autre public.

Le premier évêque du Canada, cet homme de Dieu que H. Boucher a si bien peint en peu de mots, ce grand prélat, ce grand homme, Mgr de Laval, dont la cause de canonisation s’instruit, en ce moment, en cour de Rome, voyez comme en parle M. Sulte :

« Il s’était donné la peine de naître parmi la noblesse et il voulait se servir de cet avantage. La colonie ne lui doit à peu près que des chicanes. Il a toujours mis des obstacles à la création d’un clergé canadien ; en un mot, il fut Français jusqu’au bout des ongles et nous ne saurions l’en remercier. » Et encore : « Cependant, l’évêque maintenait vis-à-vis de M. d’Avaugour la position qu’il avait prise contre M. d’Argenson. Le prétexte était la liberté du commerce de l’eau-de-vie, la raison véritable, le désir de gouverner la colonie. » Et encore : « Trente années de sa vie nous le montrent sous ce jour désagréable. »

L’ineptie le dispute à la fausseté dans tout ceci. « Il a toujours mis des obstacles à la création d’un clergé canadien. » Mais, malheureux, c’est Mgr de Laval et les Jésuites qui ont créé le clergé canadien. Dès 1637, alors qu’il n’y avait pas encore une demi-douzaine d’enfants des deux sexes, nés dans le pays, en âge de fréquenter les écoles, et qu’il n’y avait encore que quelques rares jeunes garçons nés en France, capables de commencer des études, les Jésuites établissaient un collège à leurs frais, et Mgr de Laval n’avait pas été quatre ans dans le Canada qu’il fondait le grand Séminaire de Québec, la première et longtemps la seule pépinière de notre clergé canadien. D’ailleurs, au nom du bon sens, quand est-ce