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Page:Tachard - Voyage de Siam, des Pères jésuites, 1686.djvu/162

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VOYAGE

qu’il ne falloit guére se fier aux expériences paſſées, mais naviger avec beaucoup de précaution.

Comme nos Pilotes régloient leur courſe ſur les mémoires qu’on leur avoit donnez en France, ils allèrent juſques au trente-ſeptiéme dégré de latitude Sud & au delà, pour ſe conſerver les vents d’Oüeſt ; mais ce fut-là que nous les perdîmes ; car les ayant rencontrez dés nôtre départ du Cap, ils nous manquèrent au trente-quatriéme dégré. Ils devinrent même ſi contraires & ſi forts, que nous n’avions point vû la Mer ſi groſſe, qu’elle étoit alors. C’étoit véritablement des montagnes & des abîmes d’eau. Nous reçûmes de ſi grands coups de Mer contre le Vaiſſeau, qu’ils faiſoient preſqu’autant de bruit qu’un coup de canon, de ſorte qu’il eût couru grand riſque de s’ouvrir s’il n’eût été bon, & ſi ce tems eût encore duré pluſieurs jours. Les vagues étoient ſi hautes & ſi agitées qu’elles paſſoient par deſſus la Dunette[1], & jettoient entre les Ponts pluſieurs tonneaux d’eau à la fois, ce qui incommodoit & fatiguoit fort l’Equipage.

On fait des prières pour obtenir un vent favorable.

Au bout de ſix ou ſept jours, ces vents ſe calmèrent un peu à la vérité, mais ils redevinrent contraires. Ce qui nous obligea

  1. La Dunette c’eſt la plus haute partie de l’arriere du Vaiſſeau.