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Page:Tachard - Voyage de Siam, des Pères jésuites, 1686.djvu/163

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DE SIAM. Livre II.

d’avoir recours à la ſainte Vierge, à laquelle tout l’Equipage fit une neuf-vaine, pour la prier de nous obtenir un bon vent, parce que ayant été prés de quinze jours ſans avancer, on appréhendoit d’être obligé de relâcher à la côte de Malabar, ou à l’Iſle de Ceilon, ou du moins d’arriver trop tard à Batavia, pour faire cette année le voyage de Siam.

La maladie ſe met dans l’Equipage.

Nous avions d’autant plus ſujet de craindre ce retardement, que nous commencions à avoir bien des malades, tant à cauſe du mauvais tems, que de la mauvaiſe nourriture de l’Equipage, dont les vivres commençoient à se gâter. Il y eut juſque’à ſoixante malades à la fois, depuis le Cap juſques à Batavia, la pluſpart attaquez du ſcorbut, maladie qui leur pouriſſoit les jambes, la bouche, & leur faiſoit tomber les dents.

La patience & la piété des malades.

Ce fut alors que nous eûmes une belle occaſion de travailler au ſalut de ces pauvres affligez. Nous fîmes tout ce que nous pûmes pour les ſoulager ſpirituellement dans leurs maux, en leur apprenant à en faire un bon uſage. Il étoit aîſé de les réſoudre à ſe réſigner à la volonté de Dieu, dans les violentes douleurs qu’ils enduroient, ſur tout quand on les penſoit ; les Chirurgiens étant obligez de couper les gencives juſques au palais, & leur

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