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Page:Tachard - Voyage de Siam, des Pères jésuites, 1686.djvu/243

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DE SIAM. Livre III.

Rencontre d’un Vaiſſeau Hollandois qui nous aborda.

Le Lundy au matin vingt-ſixiéme, nous ſortîmes de la rade de Batavia avec un vent favorable. Le ſoir entre huit & neuf, la nuit étant aſſez obſcure, on apperçût tout d’un coup un Vaiſſeau auſſi gros que le nôtre qui n’étoit qu’à deux portées de mouſquet, & qui venoit vent arriere ſur nous. On cria auſſi-tôt aux gens qui étoient dedans pour leur demander qui ils étoient. Mais ce fut en vain, perſonne ne répondit. Cependant comme le vent étoit bon, ce Vaiſſeau fut tout à coup ſur nous. Sa manœuvre fit juger d’abord qu’il venoit nous prendre en flanc pour nous enfoncer, & voyant ses deux baſſes voiles carguées[1] comme pour combattre, on ne douta pas qu’en nous abordant il ne nous tirât toute ſa bordée. Cette ſurpriſe ne troubla personne, chacun parut preſt à bien faire ſon devoir. L’empreſſement des Soldats & des Matelots qui étoient de quart, ſoit à prendre les armes, ou à faire les manœuvres qu’on leur commandoit, éveilla bien-tôt ceux qui étoient couchez. En un moment tout le monde fut ſur le pont.

Monſieur l’Ambaſſadeur voyant que ce Vaiſſeau étoit attaché au nôtre par ſon Maſt de Beau-pré qui avançoit sur nôtre Château de Poupe, & qu’aucun ennemi ne

  1. Cargué, ſignifie levé ou plié.