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Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/102

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et les richesses de sa femme Plancine. À peine il cédait le pas à Tibère : il regardait les enfants de ce prince avec le dédain d’un homme beaucoup au-dessus d’eux, et il ne doutait pas qu’on ne l’eût donné pour gouverneur à la Syrie afin qu’il tînt en respect l’ambition de Germanicus. Quelques-uns même ont pensé qu’il avait reçu de Tibère de secrètes instructions ; et il est certain que Livie avait recommandé à Plancine d’humilier Agrippine par toutes les prétentions d’une rivale. Car la cour était divisée en deux partis, dont l’un penchait secrètement pour Drusus, l’autre pour Germanicus. Tibère préférait Drusus comme le fils né de son sang ; quant à Germanicus, l’aversion de son oncle lui donnait un titre de plus à l’amour des autres. D’ailleurs sa naissance était supérieure du côté maternel, où il avait Marc-Antoine pour aïeul et Auguste pour grand-oncle ; tandis que le bisaïeul de Drusus était un simple chevalier romain, Pomponius Atticus, dont l’image semblait déparer celle des Claudes. Enfin Agrippine, femme de Germanicus, effaçait par sa fécondité et sa bonne renommée Livie[1], femme de Drusus. Toutefois les deux frères vivaient dans une admirable union, que les querelles de leurs proches n’altérèrent jamais.

XLIV. Peu de temps après, Drusus fut envoyé dans l’Illyricum, afin qu’il apprît la guerre et se conciliât l’affection des troupes. Tibère pensait qu’un jeune homme passionné pour les plaisirs de la ville serait mieux dans les camps, et il se croyait plus en sûreté lui-même, si ses deux fils avaient des légions sous leurs ordres. Du reste, les Suèves fournirent un prétexte en demandant des secours contre les Chérusques. En effet, délivrés, par la retraite des Romains[2], de toute crainte étrangère, les barbares, fidèles à leur coutume et animés alors pas une rivalité de gloire, avaient tourné leurs armes contre eux-mêmes. La puissance des deux peuples, la valeur des deux chefs, allaient de pair ; mais Maroboduus était roi, et, à ce titre, haï de sa nation ; Arminius, défenseur de la liberté, était chéri de la sienne.

XLV. Aussi Arminius ne vit-il pas seulement ses vieux soldats, les Chérusques et leurs alliés, embrasser sa querelle : du sein même des États de Maroboduus, les Semnones et les Lombards, peuples suèves, accoururent sous ses drapeaux.

  1. Livia ou Livilla, sœur de Germanicus et de Claude.
  2. La retraite de Germanicus et de son armée.