Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/101

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piége pour l’attirer dans Rome : Archélaüs ne le vit point ou, craignant la violence, il feignit de ne pas le voir et se hâta de venir. Reçu durement par Tibère, puis accusé devant le sénat, et accablé, non par les faits, qui étaient controuvés, mais par le chagrin, la vieillesse et l’abaissement, insupportable aux rois, pour qui l’égalité même est un état si nouveau, une mort, peut-être volontaire, mit bientôt fin à ses jours. Son royaume fut réduit en province romaine, et Tibère déclara qu’avec le revenu de ce pays on pouvait abaisser l’impôt du centième[1], qu’en effet il diminua de moitié. Vers le même temps la mort d’Antiochus, roi de Commagène[2], et celle de Philopator, roi de Cilicie, avaient mis le trouble parmi ces nations, où les uns voulaient pour maîtres les Romains, les autres de nouveaux rois. Enfin les provinces de Syrie et de Judée, écrasées sous le poids des tributs, imploraient un soulagement.

XLIII. Tibère rendit compte au sénat de toutes ces affaires et de celles d’Arménie, dont j’ai parlé plus haut. « L’Orient ne pouvait ; disait-il, être pacifié que par la sagesse de Germanicus. Son âge à lui-même penchait vers le déclin, et celui de Drusus n’était pas encore assez mûr. » Alors un décret fut rendu, qui attribuait à Germanicus les provinces d’outre-mer, avec une autorité supérieure à celle des lieutenants du sénat et du prince, dans tous les lieux où il se trouverait. Cependant Tibère avait retiré de la Syrie Silanus Créticus, dont la fille, promise à Néron, fils aîné de Germanicus, unissait les deux pères par des liens de famille. Il avait mis à sa place Cnéius Piso, violent de caractère, incapable d’égards, héritier de toute la fierté de son père, cet autre Pison qui, dans la guerre civile, voyant le parti vaincu se relever en Afrique, s’y distingua parmi les ennemis les plus acharnés de César, combattit ensuite sous Brutus et Cassius, enfin, autorisé à revenir à Rome, s’abstint de demander les honneurs, jusqu’à ce qu’on allât le prier d’accepter un consulat que lui offrait Auguste. Cet orgueil héréditaire était accru par la naissance

  1. Tacite a raconté ci-dessus, I, lxxviii, que le peuple demandait l’abolition du centième sur les ventes publiques, et que Tibère n’avait pu l’accorder. Ici le prince, enrichi des revenus de la Cappadoce, diminue cet impôt de moitié.
  2. Partie la plus septentrionale de la Syrie. La ville principale était Samosate, aujourd’hui Sémisat.