Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/111

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LVIII. Sur ces entrefaites arrivèrent des ambassadeurs d’Artaban, roi des Parthes. Ils rappelèrent en son nom l’alliance et l’amitié qui unissait les deux empires, ajoutant « qu’il désirait les renouveler en personne, et que, par honneur pour Germanicus, il viendrait jusqu’au bord de l’Euphrate : il demandait, en attendant, qu’on éloignât Vonon de la Syrie, d’où, à la faveur du voisinage, ses émissaires excitaient à la révolte les grands du royaume.» Germanicus répondit avec une noble fierté sur l’alliance des Romains et des Parthes, avec une dignité modeste sur la déférence que le roi lui marquait en venant à sa rencontre. Vonon fut conduit à Pompéiopolis, ville maritime de Cilicie : c’était tout ensemble une satisfaction donnée au monarque, et un affront fait à Pison, auquel Vonon s’était rendu agréable par les soins et les présents qu’il prodiguait à Plancine.

LIX. Sous le consulat de M. Silanus et de L. Norbanus, Germanicus partit pour l’Égypte, afin d’en visiter les antiquités : les besoins de la province lui servirent de prétexte. Il fit baisser le prix des grains en ouvrant les magasins, et charma les esprits par une conduite toute populaire, comme de marcher sans gardes, avec la chaussure et le vêtement grecs, à l’exemple de Scipion, qui, au plus fort de la guerre punique, en avait usé de même en Sicile. Tibère, après avoir blâmé en termes mesurés cette parure étrangère, se plaignit vivement de ce que, au mépris des lois d’Auguste, Germanicus était entré dans Alexandrie sans l’aveu du prince. Car Auguste, parmi d’autres maximes d’État, s’en fit une de séquestrer l’Égypte, en défendant aux sénateurs et aux chevaliers romains du premier rang d’y aller jamais qu’il ne l’eût permis. Il craignait que l’Italie ne fût affamée par le premier ambitieux qui s’emparerait de cette province, où, tenant les clefs de la terre et de la mer, il pourrait se défendre avec très peu de soldats contre de grandes armées.

LX. Cependant Germanicus ignorait encore qu’on lui fit un crime de son voyage, et déjà il remontait le Nil, après s’être embarqué à Canope. Cette ville fut fondée par les Spartiates, en mémoire d’un de leurs pilotes, enseveli sur ces bords à l’époque où Ménélas, retournant en Grèce, fut écarté de sa route et poussé jusqu’aux rivages de Libye. De Canope, Germanicus était entré dans le fleuve par l’embouchure voisine, consacrée à Hercule, lequel, selon les Égyptiens, est né dans ce pays, et a précédé tous les autres héros émules de sa valeur et ap-